En quête de détente et de découvertes [PV Alice]

C'était le premier jour de Firea au domaine, et il touchait à sa fin. Le soleil n'était pas loin de se coucher, mais il faisait encore suffisamment bon pour rester à l'extérieur. Après une journée aussi exténuante, elle avait bien besoin de se détendre. Une fois remise du choc de son arrivée, elle avait dû effectuer toutes les tâches nécessaires à l'administration : l'inscription, le choix d'un College, l'attribution d'une chambre aux pavillons... Elle n'avait d'ailleurs rencontré encore personne de sa chambre. On lui avait dit qu'il y avait trois autres filles avec elle, filles dont elle avait déjà oublié les noms. Elle soupira. Elle ne s'entendait déjà pas très bien avec les filles en général, alors trois d'un coup... Comment allait-elle survivre ?
Elle se demandait à quoi ressemblaient ses partenaires de chambre en visitant le domaine un peu au hasard, quand elle était tombée sur un panneau directionnel.
"Sources thermales"
Firea fronça des sourcils. Pour elle, les sources thermales étaient un mythe. Elle prenait des douches, jamais de bains, et les thermes avaient depuis longtemps disparu. Elle n'en avait que vaguement entendu parler, surtout dans les livres d'histoire sur l'Antiquité romaine. Des bains publics, remplis de vapeur et d'eau très chaude ? De plus, s'il s'agissait de sources thermales, c'est qu'elles étaient en extérieur. Firea ne savait pas si ça l'aurait tentée dans son monde, mais, dans les circonstances actuelles - le choc psychologique et la fatigue physique -, ces bains étaient les bienvenus. Elle emprunta donc le chemin après une brève hésitation.
L'endroit était beau, très naturel. La vapeur montait jusqu'au ciel ; les bains étaient apparemment vides. Elle constata qu'elle n'avait pas de serviette ni d'habits de rechange. Tant pis, elle verrait cela plus tard. Apparemment, elle était seule, et elle ne se pensait pas si pudique que ça. Arrivée au bord des sources, elle retira ses habits un à un et les jeta sur le sol à côté d'elle. Elle frissonna légèrement et entra dans l'eau. Elle était très chaude, en effet. Elle poussa un soupir de contentement. Qu'elle était bien ici ! Elle plongea son corps entier dans l'eau. Elle avait pensé nager un peu - elle aimait beaucoup jouer dans l'eau, habituellement - mais à ce moment, elle n'avait qu'une envie : se détendre. Elle s'appuya sur un rocher lisse, faisant bouger ses jambes doucement dans l'eau trouble, et ferma les yeux.
Elle laissa ses pensées divaguer. Elle n'arrivait toujours pas à réaliser ce qui lui arrivait. Peut-être rêvait-elle ? Si c'était le cas, c'était un rêve bien long et très réaliste, en tout cas. Le peu de personnes qu'elle avait croisées ce jour-là était du personnel et des élèves. Parmi les élèves, Firea avait été étonnée de constater à quel point certaines personnes... ou même certains êtres étaient étranges. Il n'avait pas l'air tous humains. C'est comme si... Comme si chaque élève venait d'un endroit différent dans le monde, ou même de mondes différents. Était-ce possible ? Cela l'effrayait de penser à ça, mais elle ne pouvait s'empêcher de se poser des questions.

Elle marchait sur le chemin. Seule. Awen n'avait pas pu l'accompagner. D'autres choses à faire. Elle lui avait dit qu'elle l'emmènerait au bain. Elle n'avait pas pu. Alice avait ressenti quelque chose d'étrange. Comme si son ventre se nouait et que de l'eau allait couler de ses yeux. Mais ça s'était arrêté là. Elle avait acquiescé. Ce serait une autre fois. Les bains. Ce serait bien pour pouvoir repenser un peu à ce qui lui était arrivé. Il n'y avait jamais personne là bas. Elle pourrait réfléchir loin du bruit. Oui. Ça semblait une bonne idée. Peut-être qu'elle pourrait réinvoquer ce qu'il se passait quand elle était proche d'Awen. Peut-être qu'elle pourrait comprendre pourquoi elle était si bizarre quand elle était proche d'elle.

Depuis qu'elle était à Amarth, elle avait passé du temps avec elle. C'était elle qui lui avait tout appris. Pourtant, elle n'était pas du même collège qu'elle. Ce n'était pas un problème. Le Vita, ce n'était pas si compliqué. Ça ressemblait beaucoup à l'espace. Sauf que ce n'était pas sur l'espace. Elle pouvait lire le reste de la matrice. Le changer. Mettre d'autre valeur. C'était plus dur que l'espace. Elle devait apprendre comment s'exprimer. Mais ce n'était pas différent. Et il y avait des livres. C'était simple.

Elle marchait seule à travers les bois. Elle savait où se rendre. C'était dans la matrice. Elle n'avait pas les noms. Elle savait que de l'eau coulait à un endroit. Qu'elle était chaude. Ce devait être là. 155 846 millimètres. À droite. 23 478 millimètres. À droite encore. 123 796 millimètres. Ça devait être par là. En effet. De l'eau coulait. De la vapeur s'élevait. Elle posa sa serviette sur une branche. Un arbre un peu caché de la route. Elle commença à ôter ses vêtements. Dans le même temps, elle se rendit compte d'un fait étrange : pourquoi avait-elle cherché à se cacher ? Une image lui vint. Awen. Elle ne voulait pas qu'une autre la voit ainsi. Pourquoi ? Pas de réponse. Elle y penserait dans l'eau. Elle plia ses vêtements, les pris, pris la serviette et se dirigea vers la source. Elle y serait au calme. Le corps isolé des stimuli. Elle pourrait réfléchir normalement.

Elle arriva au bord de l'eau. Elle allait poser ses vêtements. Un détail attira son regard. Quelqu'un d'autre. Elle la regardait. Elle se posa ses habits. La serviette la cachait en partie. Elle se redressa. Le tissus toujours devant elle. Resta là. À attendre ce que demanderait l'autre. Immobile. Inexpressive. Comme toujours.

Firea profitait de l'eau brûlante qui détendait peu à peu chacun de ses muscles. Elle aurait pu s'endormir ainsi, si elle ne savait pas qu'elle s'évanouissait si elle restait trop longtemps dans une eau si chaude. Elle profitait aussi de la tranquillité du moment. Elle n'entendait aucun bruit à part celui des quelques oiseaux de la forêt et de l'eau de la source qui coulait.
Qu'allait-elle faire, dans cet endroit ? Dès qu'elle y avait pénétré, elle savait qu'elle ne rentrerait plus jamais chez elle. Pourquoi cette certitude, alors qu'elle ne comprenait rien à ce qu'il se passait ? On lui avait rapidement expliqué le monde dans lequel elle se trouvait, qu'elle y avait accédé grâce à la Déchirure qu'elle avait créée, et qu'à cet endroit elle apprendrait à mieux maîtriser ce don. Mais pourquoi faire ? Elle n'avait jamais vraiment été attirée par le surnaturel. Si elle avait eu le choix, elle serait restée dans son monde. A vrai dire, elle était un peu curieuse d'en savoir plus sur ce lieu, mais pas au point d'y passer sa vie. Elle sentait son moral baisser peu à peu. Elle ne réalisait ce qui lui arrivait qu'à présent. Elle espérait encore que ce n'était qu'un cauchemar, mais elle savait qu'elle devait se résigner. Pour le moment, elle n'y arrivait pas et n'avait qu'une envie : qu'on lui dise que c'est une blague, et qu'elle rentre chez elle. Elle avait envie de pleurer.
Elle sursauta quand elle entendit des pas dans sa direction. Elle rouvrit les yeux, plus humides qu'à l'ordinaire, et aperçut une très belle jeune fille, nue mais cachée par une serviette, au bord du bassin. Elle fut d'abord soulagée qu'il s'agît d'une fille - même si elle préférait fréquenter les garçons, dans un bain c'était quand même différent. Puis elle remarqua plusieurs étrangetés chez elle. D'abord, son apparence : elle avait rarement vu des personnes aux cheveux si blancs et aux yeux si violets. Elle aurait pensé que ça jurerait, mais sur cette fille c'était très joli. À vrai dire, sa beauté était très froide, mais Firea ne pouvait s'empêcher de la contempler. Ensuite, c'était son regard qui l'intriguait. Un regard complètement vide de tout sentiment. Était-elle un robot ? Après ce qu'elle avait vécu, ça ne l'aurait pas étonné.
Puis elle réalisa qu'elle-même était nue, et qu'elle ne pouvait pas se cacher. Elle s'enfonça un peu plus dans l'eau, jusqu'au menton. Heureusement, elle était trouble, mais elle cacha quand même son corps du mieux qu'elle put avec ses bras. Puis, légèrement rougissante, à cause de la chaleur ou de la présence de l'inconnue, ou des deux, elle prit la parole.
« - Euh... Désolée de te déranger, si tu pensais être seule. J'avais bientôt fini, je peux partir si tu veux. »
Elle ne voulait pas la déranger plus, mais elle n'osait pas sortir de l'eau et ainsi dévoiler son corps. Elle n'était pas si pudique habituellement. Pourquoi avait-elle honte ?

Deux yeux. Vide. Ils regardaient la jeune fille dans l'eau. Le corps immobile. Inexpressif. De même que le visage. Elle attendait. Une réponse. Ce qu'elle devait faire. Elle savait que normalement, les gens ne se baignait pas ensemble. Mais ce n'était pas vraiment un bain. La source était asse grande pour accueillir plusieurs personnes. Sans qu'elles ne se touchent. Une réponse. Elle attendait. La serviette retombait toujours de la même manière. Pas par pudeur. A moins que ce ne soit ça qu'on appel la pudeur. Elle ne voulait que quelqu'un d'autre qu'Awen ne voie son corps. Ça semblait correspondre à la définition. Pourquoi ? Ça l'empêchait de bouger le bras pour le mettre dans une position plus agréable. Afin de garder la serviette devant elle. C'était étrange. On stocke les informations. Elles seront analysées.

La réponse. Elle propose de partir. Alice attend. Elle ne semble pas vouloir se lever. Pourquoi propose-t-elle ? Ses deux pupilles la regardent toujours. Sans la regarder. Le regard la traverse. Fixe un point. Loin derrière l'inconnue. Elle attend. Un regard dérangeant. Angoissant. Aucune pensée; Comme s'il n'y avait pas d'âme. Elle ne sait pas comment parler par les yeux. Elle ne le fait pas. On ne lui pas appris. Pas montré comment faire. Ce n'était pas important. Quelque chose lui dit que ça aurait été bien maintenant. Elle en aurait besoin. Pouvoir interroger. Par les yeux. Elle avait vu que beaucoup des dialogues humains se passaient ainsi. Elle ne comprenait. Elle n'arrivait pas à lire ces cercles de couleur. Ces iris. Mais ici, ça aurait été bien. Elle avait remarqué que les gens réagissaient mal quand on remettait en question ce qu'il disait. Peut-être que le regard aurait mieux marché.

Une réponse qui n'en était pas une. Aucune moyen de la confirmer. Que faire ? Elle resta encore quelques instants immobile. Elle analysait les information. Il était idiot de partir maintenant. Elle aurait marché pour rien. Ne se serait pas lavée. Pouvait-elle rentrer dans l'eau ? Il aurait fallu qu'elle enlève sa serviette. Son corps ne voulait pas. Et comment l'autre réagirait. Elle pouvait réagir mal. Il y avait des gens qui n'aimaient pas se baigner avec d'autres. Elle ne l'avait jamais. Il n'y avait pas de donné concernant cette fille ici. Elle avait lu la liste de toutes les personnes habitant ici à son arrivée. Cette fille n'en faisait pas partie. Alors pourquoi était-elle là ? Elle était aussi arrivée comme elle ? Une faille dans l'espace ? Peut-être. Possible. Elle lui dirait si elle devait le savoir. Ça ne répondait pas à sa question. L'autre restait enfoncée sous l'eau. Elle commencer à avoir froid. Elle serait mieux dans l'eau.

La décision fut prise. Les bains étaient fais pour plusieurs personnes. Ce n'était pas grave si elle était vue de dos. Elle se tourna, posa sa serviette, et parti pour entrer dans l'eau. S'arrêta un instant. Une hésitation. Il n'aurait pas fallu qu'elle vexe l'inconnue. Elle relève la tête.

« Est-ce que ça te dérange ? »

Une voix neutre. Aussi vide que son visage. Aussi plate que la surface de l'eau qu'aucune ne venait remuer.

L'inconnue resta une éternité les yeux dans le vague, immobile, se cachant avec sa serviette.
Firea n'osait pas bouger elle-même, au début, pour ne pas perturber le silence. Elle était restée enfoncée jusqu'au menton dans le bain, s'efforçant de cacher sa nudité, les joues rouges par la chaleur et la gêne. Puis, au fur et à mesure que les minutes s'écoulaient, longues, silencieuses, elle s'était détendue. Elle remontait progressivement à la surface, puis elle avait fini par s'appuyer sur un bras sur le bord du bassin, dans une position plus confortable.
Et, depuis le début, elle n'avait cessé de la regarder. Elle s'était perdue dans la contemplation de l'ange aux cheveux blancs qui se trouvait devant elle. Elle n'avait même pas songé à la politesse de détourner le regard. Et puis de toute façon, cela ne semblait pas déranger la fille. En vérité, elle ne semblait pas éprouver quelque émotion. Firea fixait ses yeux, grands et violets ; magnifiques, mais c'était presque comme s'ils étaient peints. Ou comme s'ils étaient des yeux de robots. Elle ne cillait pas souvent, et son regard semblait ne contenir aucune information, sur ce qu'elle ressentait ou sur ce qu'elle pensait de ce qu'elle voyait. Firea était intriguée par ce phénomène. Elle était intriguée par la totalité de la jeune fille présente, et elle aurait aimé lui poser mille questions. Mais elle ne disait mot. Elle ne disait mot et elle la regardait, le coeur battant.
Elle admirait le peu de corps qu'elle arrivait à observer, comme captivée par cette beauté. Elle était mince, sa peau était pâle, et elle était magnifique. Firea observait son visage, son cou, ses épaules, la naissance de sa poitrine, ses bras, ses mains aux longs et délicats doigts, ses jambes. Elle remarquait qu'elle commençait à avoir la chair de poule - il fallait qu'elle fasse quelque chose. Elle allait attraper froid, à rester ainsi !
Firea commençait à s'inquiéter quand, au bout de ce qui lui semblait être un long moment, elle bougea. Elle se retourna et posa sa serviette. Firea écarquilla les yeux de surprise, et elle sentit la peau de ses joues et ses oreilles rougir. Elle avait pu admirer le dos et les fesses de l'inconnue, puis se rappela ses manières et tourna la tête. Puis une voix qui formula une question, neutre, sans aucune trace d'émotion. Sans mélodie. Firea répondit précipitamment.
« Non... Non, ça ne me dérange pas du tout ! »
Incapable de trouver autre chose à dire, elle garda le visage détourné, toujours un peu rouge, jusqu'à ce qu'elle l'entende entrer dans l'eau. Là, elle tourna la tête lentement vers elle, et fit un léger sourire poli. Puis elle remua un peu dans l'eau. Le silence était retombé, froid, gênant. Elle fit une stupide tentative pour engager la conversation.
« Je suis nouvelle, ici, du coup je ne connais encore personne. Je m'appelle Firea. »
Elle espérait que cela suffirait à ce qu'elle se présente aussi. Elle ne savait pas trop pourquoi, mais elle mourait d'envie de la connaître. Et elle ne pouvait pas laisser passer cette occasion.

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