Le temps et l’espace sont les deux facteurs inébranlables de notre avancée. Les montagnes se hissent pour que les siècles les minent. Les arbres se dressent et les saisons les affligent. Le monde, à sa création, s’écoulait déjà de la même façon et, jusqu’à sa disparition, il en sera ainsi. Temps et espace veillent sur les folies de notre ère ; temps et espace nous rappellent à nos natures premières : silence et poussière.
On en conclurait aisément que la parfaite coordination de leur règne fait leur puissance et leur impartialité. Le temps n’est le temps que par son effet sur l’espace –autrement, nos jours seraient nos nuits, et nos nuits immuables. De même, l’espace serait inchangé depuis des millénaires si les secondes se figeaient tout à coup.

Tel est le monde que nous connaissons.

Mais un jour, un scientifique chercha quel lien les rendait à ce point complémentaires. Il ne trouva pas le lien mais il trouva le moyen de le détruire. Il avait seize ans lorsque l’on remarqua pour la première fois les troubles qui l’agitaient. Il prétendait pouvoir renverser l’équilibre des choses. Il disait que rien n’était inaltérable. Il parlait de ciel et de terre, de temps et d’espace. Il avait vu.

On appelle aujourd’hui ce qu’il vit la « Déchirure ». Il s’agit d’une faille dans la fusion continue du temps et de l’espace que seuls certains individus peuvent déceler. Elle est le moyen d’accéder à des dimensions au-delà de l’imaginaire. Le père comme le fils visèrent à prouver l’existence de ces gouffres invisibles mais renoncèrent tout deux à démontrer l’inconcevable.
Les rares personnes capables de considérer la Déchirure sont celles qui peuvent éveiller leurs sens à un point que l’on croyait in-envisageable. Voir l’invisible, entendre l’inaudible et palper le néant ! La lucidité quasi-totale des sens ne peut être atteinte qu’à l’adolescence et passé cet âge, il devient impossible de réveiller son esprit suffisamment pour causer une Déchirure. Avec une violence inattendue, les facultés humaines atteignent leur paroxysme et c’est ce brutal changement qui provoque une faille entre l’espace et le temps.

Amarth est le lieu commun à chacune des dimensions accessibles par la Déchirure. On en fit donc une école, là où l’on enseigne à ne pas perdre les pouvoirs qui nous sont accordés, là où l’on apprend à l’esprit à rester alerte et à ne pas s’endormir à nouveau.

Laissons dormir la conscience humaine. Il existe des merveilles qu’elle n’expliquera jamais. Contentons-nous de scruter l’infini. N’est-il pas magnifique, une fois que l’on a tenté de le voir réellement ?