| Suite de nouvelles sur un même thème. Parfois poésies en prose, rarement de pavés, juste, une épopée. |La malédiction est lancée
Ailes souillées.
Sourire de porcelaine.
Envol parfait.
« Mademoiselle, vous ne devriez pas jouer avec cela.
-Pourquoi ?
-Ca peut être dangereux.
-Ne t’inquiètes pas, je ne t’attaquerais pas.
-Mais… C’est pour vous que je m’inquiète ! »
Éclat de rire. Lame brillant au soleil.
« Mais voyons ! Pourquoi me blesserais-je avec ? Je ne suis pas folle tu sais.
-Un accident est vite arrivé…
-Je suis plus rapide qu’un accident et je sais me servir de ça. Ne t’inquiètes pas je t’ai dis, je ne m’en sert que lorsque c’est utile.
-Quand ?
-Lorsque c’est utile ! Tu vieillis dis-moi, voilà que tu ne m’entends plus.
-Non mais… Vous m’inquiétez…
-Mais non, mais non. »
Doux sourire de compassion. Pauvre vieille femme, condamnée à s’inquiéter pour un sourire de sûreté.
« Jaëllia ! Baisse le regard !
-Pourquoi ?
-C’est indécent de regarder sa mère dans les yeux ! Et quand il y aura nos amis, ne recommence pas à être insolente.
-Je ne suis pas insolente.
-Comment appelles-tu ton comportement alors ?
-Moi. »
Gifle. Colère qui monte. Joue d’enfant rouge. Yeux secs de larmes. Le sourire est là, éternel.
« Vous allez bien mademoiselle ?
-Oui bien sûr. Pourquoi n’irais-je pas bien ?
-Mais… Votre joue… Votre mère…
-Chut, ma petite vieille. Je suis tombée et je me suis cognée. Ma mère m’aime, j’aime ma mère et toi tu gardes ton poste.
-Que vous a-t-on fait… »
Murmures alors que la poupée se fait habiller. La poupée au sourire figé dans la porcelaine.
« Votre fille est vraiment adorable !
-Oh oui, un véritable petit ange !
-On dirait sa mère !
-Ma mère ressemble à un ange ?
-Jaëllia ! Va apporter ça à ton père ! »
Petit ange dans sa cage, agissant comme s’il n’était pas emprisonné. Petit ange alourdit, agissant comme s’il n’était que légèreté. Sourire angélique, rêvant du vent.
« Ta mère m’a dit que tu as encore été insolente.
-Non. J’ai juste demandé si ma mère ressemblait à un ange.
-Tu sais que ta mère déteste quand tu poses des questions.
-Mais j’aime les poser.
-Arrête de répondre. Sors. »
Homme qui jamais ne la regarde, homme qui jamais ne se fâche, homme qui jamais ne voit son sourire. Homme qui jamais ne sera libre.
« Petite vieille ?
-Oui mademoiselle ?
-Pourquoi certains oiseaux ne s’envolent pas ?
-Parce qu’ils sont fatigués. Parce qu’il y a souvent à manger là où ils sont. Parce que le ciel est dangereux. Parce que les autres sont là et qu’ils veulent rester avec eux.
-C’est nul.
-Les oiseaux ne sont pas aussi libres que vous le croyez.
-Et les anges ?
-Quoi donc ?
-Pourquoi ne descendent-ils jamais ?
-Parce que notre terre est bien plus laide que leur ciel.
-C’est nul.
-Les anges sont plus libres que vous le croyez. »
Sourire qui ne disparaît pas tandis que les yeux s’emplissent de nostalgie. Prière qu’un jour, tous les oiseaux puissent s’envoler.
« Mademoiselle !
-Salut petite vieille…
-Mademoiselle…
-Tu m’aides à faire mes valises ?
-Où allez-vous ?
-Loin. Très loin.
-Vous voulez un mouchoir ?
-Non. Aide-moi. Pour les valises.
-Oui.
-Je vais prendre de l’argent, je t’en donnerais.
-Oh non, mademoiselle !
-Ils vont dire que c’est de ta faute, tu vas devoir partir. Tu me remercieras plus tard.
-Pourquoi ne pas partir ensemble alors ?
-Je ne veux pas rester sur la terre juste parce que les autres le sont. Toi, tu ne veux pas t’envoler.
-Je pourrais le souhaiter pour vous.
-La liberté petite vieille, c’est aussi que personne ne dépende de toi.
-Mademoiselle… »
Le sourire est encore là, toujours là. Mais il est emplis de tristesse, tandis que les joues sont trempées de larmes. Lame brillant au soleil. Rouge.
« Petite vieille, je peux te mentir ? Juste une fois ?
-Tout ce que vous voudrez.
-Alors, à bientôt, petite vieille. »
Sourire qui se transforme en rire. Un instant. Un rire déchirant pour ne pas montrer sa peine.
« A bientôt, mademoiselle. »
Le sourire est partit, ne laissant derrière lui que mort et tristesse. L’orpheline est partie, ne laissant derrière elle qu’un rire enfantin, magnifique. La lame est partie, ne laissant derrière elle qu’une traînée rouge.
La malédiction est lancée, l’épopée est en route.